Erase una vez … Il était une fois…
Une petite fille se trouvait dans la maison de sa grand-mère espagnole, dans un petit village pittoresque de l'Aragon : Aragües del Puerto. Comme chaque été, elle partageait avec sa sœur et ses parents une des chambres du haut. Dans cette chambre, il y avait deux grands lits, reconnaissables à leurs grelots particuliers. Et sur l'immense mur, trônaient deux portraits qui la fascinaient. C’étaient deux jeunes hommes aux traits fins. L’un émanait une douceur incroyable ; quant au second, on pouvait lire dans son regard une détermination à toute épreuve.
Ma grand-mère, très pudique sur ce sujet délicat, m’avait raconté qu’il s’agissait de ses jeunes frères, morts à la guerre le même jour. Un véritable drame pour la famille ! Une tragédie qui les avait tous marqués à jamais…
Ces deux frères s’entendaient comme larrons en foire. Ils n’avaient que dix mois d’écart et, dans une grande complicité, avaient tout partagé. L’un était plus sage et discret, tandis que l’autre, plus dissipé, n’hésitait pas à faire des bêtises et à entraîner son aîné dans ses frasques.
Ils grandirent avec peu, mais avec l’essentiel : l’amour. Toujours heureux d’être ensemble et de tout partager, ils savouraient chaque jour de leur vie simple. À l’adolescence, l’un décida de devenir prêtre – je vous laisse deviner lequel. Quant au benjamin, il prit le chemin des champs, comme son père, son grand-père et tous ses aïeux avant lui. Cette vie leur convenait, simple mais empreinte de bonheur quotidien. Mais le destin s’en mêla : la guerre civile espagnole éclata.
Le diocèse envoya Gil « Antonio » défendre la Mère Patrie. Lui, si pacifiste, ne comprenait pas pourquoi il se retrouvait mêlé à ce conflit fratricide. José « Roberto », de son côté, s’enrôla immédiatement dans les rangs des Rouges. Pour lui, il s’agissait de lutter pour la liberté du peuple. Il s’y engagea avec toute sa fougue, prêt à défendre ses idéaux et les siens.
Chacun dans son « clan », ils survivaient tant bien que mal, tout en languissant de se retrouver et de se serrer dans les bras. La fin de la guerre approchait, ils en étaient certains.
Début mars 1939, on les envoya pour une dernière mission – leur dernière. José, le plus jeune, était en moto lorsqu’il fut pris en chasse par un franquiste enragé. La balle ne l’atteignit pas, mais creva le pneu de son engin. Il dérapa et atterrit violemment hors de la route. Sa tête heurta une pierre, et il perdit rapidement la vie. Sa dernière pensée fut pour Gil Antonio, celui qui l’avait soutenu tout au long de ce temps de séparation.
Le même jour, le placide Gil reçut une balle en pleine poitrine, tirée par un partisan républicain. Juste avant de s’éteindre, il revit le doux visage de son petit frère adoré.
Depuis, ils reposent côte à côte, inséparables, arborant un sourire juvénile et éternel. Chaque jour, deux papillons orange viennent se poser sur leur tombe.
Pour chaque camp, ils sont deux héros de plus. À mes yeux, ce sont deux martyrs dans toute la splendeur de leur jeunesse, fauchés à l’aube de la fin de cette guerre.
À toutes les victimes des guerres ! Et à cette jeune femme, si éprise, qui ne refit jamais sa vie, fidèle à son amour de toujours…
Sylvie (Mallén Ipas Acin) GIL
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