Aujourd'hui, je vais vous parler d'un souvenir d'enfance qui me hante encore. Ce jour-là, j'avais 8 ans, un âge que ma sœur m’a confirmé par la suite. Nous étions assis devant la télé, comme chaque mercredi, jour sans école. Il y avait trois adultes : deux femmes et un homme, d’après mes souvenirs.
À un moment, nous avons entendu une voix crier : « Y a quelqu'un ? ». Ma mère est alors sortie, s'est approchée du portail et, tout en restant discrète, a observé pour voir qui était là. Après quelques échanges, je l’ai vue ouvrir le portail et les faire entrer dans la maison. Mes frères, mes sœurs et moi nous nous sommes rapidement rassis, un peu intimidés.
Les visiteurs ont discuté avec ma mère, mon père était au travail. À un moment donné, l’une des femmes s’est approchée de nous et a demandé si nous allions bien et si nous allions à l’école. Nous étions dix enfants, et voir des étrangers à la maison nous impressionnait, car nous n’avions pas l’habitude de recevoir des visites.
Les femmes ont ensuite fait le tour de la maison, puis l'une d’elles s’est tournée vers ma mère et lui a tendu un stylo et des papiers à signer. Mes parents ne savent ni lire ni écrire, leur signature se limite à une croix ou un gribouillage. Ma mère a refusé de signer, expliquant qu’elle ne pouvait prendre aucune décision sans l’accord de mon père. Avant de repartir, les visiteuses ont précisé qu'elles reviendraient.
En réalité, ma sœur aînée avait compris la raison de leur visite : il s’agissait de placements d’enfants pour incapacité présumée de subvenir à leurs besoins. D’après ma sœur, quatre de nos noms, dont le mien, figuraient sur leurs documents. À son retour, mon père, informé de l’événement, en a parlé à son patron, qui était le maire. Celui-ci est immédiatement intervenu pour stopper toute procédure. Grâce à lui, et au courage de mon père, nous avons été épargnés.
Merci, Monsieur le Maire, et merci à mon père, qui travaille si dur pour subvenir aux besoins de sa famille. Je me souviens qu’après cet incident, ma mère nous recommandait de ne pas traîner après l’école et de fuir si un inconnu nous abordait, en nous parlant des « voleurs d’enfants».
Avec le recul, je me rends compte de la force et de la détermination de mes parents. Merci pour tout, Papa et Maman. Vous êtes formidables !
MC
« De 1962 à 1984, au moins 2 150 enfants réunionnais relevant de l’Aide sociale à l'enfance ont été transférés dans les départements métropolitains sujets à l’exode rural comme notamment la Creuse, le Tarn, la Lozère, les Pyrénées-Orientales, le Gers, dans le cadre de la politique de migration.» Pour en savoir plus : wikipedia Enfants de la Creuse.
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